Pour explorer notre thème du réseau et son importance lors d’une expatriation, j’ai interviewé Muriel Françoise, une journaliste indépendante qui accompagne son mari aux quatre coins du monde. Mettre sa carrière dans sa valise et la recréer ailleurs est un défi pour plusieurs d’entre nous. Une belle rencontre et un bel échange :
MT : Muriel, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
M : Je suis une journaliste belge, diplômée de l’Université Libre de Bruxelles. Avant d’accompagner mon mari à Stockholm en 2007 avec notre fils, j’étais journaliste culturelle et éditrice d’un magazine belge. En m’expatriant, j’ai dû recréer un réseau et me faire connaître professionnellement dans chaque nouveau pays. Je vis à Montréal depuis 2014 où je travaille pour la presse belge, française, suisse et québécoise principalement dans les domaines du design et du voyage.
Quels sont les défis que tu rencontres en arrivant dans un nouveau pays ?
Je me remets en question et j’effectue un travail de fond pour explorer le marché du travail local et y trouver une place. Lors de ma première expatriation, j’ai même dû repartir de zéro.
Contrairement à mon mari, personne ne m’attend. Au début, j’essuie beaucoup de refus, et je fais parfois face à une certaine méfiance, car, malgré mon expérience, je suis nouvelle. Je dois faire mes preuves et convaincre mes interlocuteurs. Mon défi majeur est de me faire connaître, ainsi que les médias étrangers pour lesquels je travaille.
Magellan-Transition explore ce mois-ci le thème du réseau. Selon toi, en quoi ce thème est-il important lors d’une expatriation ?
Un réseau est, avant tout, important humainement pour établir des relations, se recréer un cadre, s’offrir la possibilité de rencontres, d’échanges et d’apprentissages. Il aide également à comprendre le nouveau pays dans lequel nous débarquons et à entrouvrir de nouvelles portes, mais aussi, dans mon cas, à obtenir des « scoops ».
Comment fais-tu pour recréer un réseau en arrivant dans un pays ?
De façon plutôt organique. Je profite des rencontres du quotidien pour discuter avec des parents d’école, un designer, un commerçant… Je signale également ma présence à des institutions locales, comme les musées, et à certains bureaux de relations publiques. J’assiste à des salons et des conférences de presse, ainsi qu’à quelques « 5 à 7 », où je rencontre des « collègues » et des professionnels de mes domaines d’intérêt. Je m’inscris à la fédération des journalistes, et si possible, j’introduis une demande d’accréditation auprès du ministère des Affaires étrangères du pays d’accueil. Je me sers aussi des médias sociaux pour découvrir les talents à suivre, trouver de futurs collaborateurs et savoir où les choses se passent.
Quelles sont les barrières que tu as dû surmonter ?
En quittant mon pays, j’ai été obligée de vaincre ma relative timidité. En plus, en Suède, les longs hivers avaient tendance à nous garder à l’intérieur et à nous isoler. Il y avait aussi l’obstacle des langues : j’ai dû améliorer mon anglais et apprendre le suédois. Professionnellement, l’éloignement géographique des médias pour lesquels je travaillais en Belgique et mon impossibilité d’écrire pour la presse locale en Suède ont également été des freins à mon intégration. Mais j’ai quand-même fini par collaborer avec le ELLE Decoration Suède ! Il y avait aussi la réserve du monde professionnel qui me découvrait et pensait, parfois, que je m’improvisais journaliste.
Comment as-tu réussi à construire un réseau international ?
Avec le recul, je dirais grâce à la chance suivie d’enchaînements heureux et de belles rencontres. Un magazine belge m’a confié un article combinant design et voyage qui m’a amenée à un reportage pour un autre magazine français cette fois avec un photographe local. Lentement, les choses se sont mises en place et m’ont permis de tisser ma « toile » de journaliste. Quand j’ai su que j’allais vivre à Montréal, j’ai écrit aux quotidiens et magazines qui me plaisaient et avec lesquels j’avais envie de bâtir quelque chose. Aujourd’hui, grâce à mon portfolio, certains médias m’approchent, ce qui facilite les choses.
Tu as habité dans plusieurs pays. Quelles sont les différences culturelles que tu as notées dans la façon d’aborder un réseau ?
En Belgique et au Québec, le contact est assez facile et direct. En Suède, les choses sont plus organisées et laissent moins de la place à la spontanéité et à l’improvisation. S’intégrer dans des réseaux suédois est plus laborieux. En Suède, par exemple, la famille et le développement personnel sont des priorités qui influencent le rythme de travail. En écrivant pour des magazines français, qui fonctionnent plus dans l’urgence, cela a été un autre défi à surmonter. Mais, une fois l’effort fait et les codes intégrés, les choses deviennent plus simples.
As-tu un exemple de faux pas culturel ?
Oui, à Stockholm, je nourrissais le rêve d’un reportage en Laponie pour observer le soleil de minuit. Le magazine qui a retenu ma proposition exigeait pour ce reportage la présence d’un photographe professionnel. Quand j’en ai parlé à un collaborateur suédois, il a m’a répondu, embarrassé, que ce ne serait pas possible avant la fin août, soit plus d’un mois après la disparition du soleil de minuit. Dès la mi-juin, les Scandinaves lèvent le pied pour profiter du court été. J’ai donc convaincu le magazine de prendre moi-même les photos.
Selon toi, quels sont les pièges à éviter quand on reconstruit son réseau en arrivant dans un nouveau pays ?
Si on peut se le permettre financièrement, je conseillerais de :
1) Ne pas accepter un travail au seul motif de faire plaisir à quelqu’un. Oser dire « non »
2) Ne pas démarrer une activité sans lien avec ce que l’on veut faire ou aime faire.
3) Ne pas hésiter à renoncer sans tarder à un travail qui ne correspond pas à nos attentes. Un problème d’aiguillage est vite arrivé.
1) Ne pas accepter un travail au seul motif de faire plaisir à quelqu’un. Oser dire « non »
2) Ne pas démarrer une activité sans lien avec ce que l’on veut faire ou aime faire.
3) Ne pas hésiter à renoncer sans tarder à un travail qui ne correspond pas à nos attentes. Un problème d’aiguillage est vite arrivé.
Entre les réseaux relationnels et les réseaux sociaux, quel est, pour toi, le bon équilibre à atteindre ?
Personnellement, je privilégie un café ou un dîner à deux heures derrière mon écran. Mais, en tant que journaliste, les réseaux sociaux sont incontournables. Bien souvent, ils sont ma principale source d’information et me permettent de rester en contact avec mes connaissances à l’étranger, de suivre leur actualité, leurs projets, ainsi que d’aller à la « rencontre » de nouvelles personnes.
Peux-tu donner trois conseils pour développer un réseau en arrivant dans un nouveau pays ?
1) Si possible, préparer son arrivée professionnelle en amont grâce à une recherche préliminaire.
2) Prendre le temps de s’installer et de découvrir son nouvel environnement, le marché du travail et ses codes. Prendre ses marques et identifier son projet personnel.
3) Préférer la qualité à la quantité. Je ne suis pas adepte des « 5 à 7 », très populaires au Québec. Je préfère rencontrer en tête-à-tête des personnes qui m’inspirent et dont j’apprécie le travail.
Interview réalisé par Florence ROISIN
2) Prendre le temps de s’installer et de découvrir son nouvel environnement, le marché du travail et ses codes. Prendre ses marques et identifier son projet personnel.
3) Préférer la qualité à la quantité. Je ne suis pas adepte des « 5 à 7 », très populaires au Québec. Je préfère rencontrer en tête-à-tête des personnes qui m’inspirent et dont j’apprécie le travail.
Interview réalisé par Florence ROISIN